Sensei

L'ORIGINE ET LE SENS DU MOT

Dans les arts martiaux, il existe différents noms pour désigner le titre de professeur.
Dans le texte suivant, je vais mentionner et expliquer quelques-uns des plus populaires.

L'un des mots les plus courants et célèbres qui indique le titre spécifique de professeur est certainement le mot japonais sensei. Le mot sensei est généralement traduit par professeur, bien qu’il ait littéralement un autre sens : une personne qui est née avant, c'est-à-dire, une personne qui connaît la vie, qui a une expérience spirituelle. En effet, le mot japonais sensei est composé de deux mots : sen-avant et sei-vie.

Le mot sensei est un mot récent ; il a commencé à être utilisé au Japon au début de 1960, d'abord dans les arts martiaux (jujitsu, judo, aïkido, karaté). Plus tard, vers 1968, le mot a été utilisé avec une notion de Respect, et enfin pour indiquer le titre pour des hommes savants. Aujourd’hui, le mot sensei est utilisé comme titre pour les enseignants, mais aussi pour les médecins, les pharmaciens, les avocats, les ingénieurs, les journalistes, ainsi que pour beaucoup d'autres professions savantes et respectées. Ce titre - sensei, est aussi souvent associé à la philosophie zen. Dans le bouddhisme zen, on suppose qu'une personne qui connaît la vie et qui a beaucoup d'expérience a le sentiment de renaître.

Le mot sen-sei vient du mot indien sen-an (sen ani), qui a nommé le leader (ou le chef guerrier) de la caste indienne des guerriers nobles - kshatriyas.
Leur caractéristique principale était la capacité de mener, c'est-à-dire, d’être le chef d'autres membres de cette caste guerrière respectée. On attendait d’eux qu’ils montrent un grand courage, une endurance, un sentiment de justice, une générosité, une bonne diplomatie, ainsi qu'un désir de protéger les plus faibles, soit de l'injustice, soit de la mort. Les personnes qui avaient un tel titre devaient être prêtes, si nécessaire, à sacrifier leur vie pour défendre leurs subordonnés.
Au Moyen Âge, la caste de kshatriyas a lentement disparue, et elle a été remplacée par la caste Rajput. Le nom japonais de la caste guerrière kshatriya était Setsuri, et l'acceptation de certains de leurs principes au Japon a entraîné plus tard le phénomène des célèbres guerriers - Samurai.

Le mot sen-an s'est répandu de l'Inde vers la Chine puis a migré progressivement en Corée et au Japon. Ainsi sa prononciation et son emploi ont naturellement évolué. 
En Chine, on retrouve son origine dans le mot senfan (sienfan), et son sens a changé lentement. Du titre de leader guerrier, il est devenu le titre pour une personne compétente (notamment en arts martiaux) qui pouvait enseigner aux autres. Néanmoins, dans les arts martiaux chinois, le nom le plus fréquemment employé est Sifu (cantonais) ou Shifu (chinois mandarin). Ce mot signifie : un vieux sage qui a une grande connaissance et une expérience (dans les arts martiaux), et qui enseigne comme un père.


En Inde, le chef spirituel, selon les écrits sanskrits, s'appelle - Guru (Goru), alors que, au Japon, le nom du chef spirituel (professeur supérieur du bouddhisme zen) est Roshi.
En outre, les Japonais utilisent parfois le titre de Sosai, qui sert de nom à des présidents de grandes entreprises, des ambassadeurs et des réalisateurs, des généraux de certaines grandes organisations, voire martiales (par exemple, Sosai Oyama).
Il existe également un titre dans les arts martiaux Sempai, qui est décerné aux étudiants plus âgés et expérimentés, qui est aussi celui de l’assistant de l’enseignant.


En Chine, il existe un titre d'arts martiaux Shi, généralement lié aux maîtres des arts martiaux du temple de Shaolin, et qui indique non seulement le grand maître, mais aussi un enseignant de la philosophie zen. Le titre même de Shi apparaît dans le nom de la forêt - Shao shi, où se trouve le temple de Shaolin. Les Chinois utilisent parfois aussi le titre de Shihan pour un maître qui a atteint le plus haut niveau d'apprentissage (dans les arts martiaux comme dans la philosophie zen). Il est souvent utilisé au Japon aussi.

Le titre qui est le plus proche des mots sen-an est celui qui est utilisé en Corée pour les maîtres des arts martiaux du style Taekwondo, et son nom est suseung-nim ou plus communément sonseang-nim. Il caractérise la personne qui est un maître général (chef de guerre) et un grand connaisseur des arts martiaux.

 Il y a aussi le titre O'Sensei, utilisé par respect pour un enseignant particulièrement remarquable et un maître des arts martiaux comme le créateur de l'Aikido, Morihei Ueshiba.
Le mot O'Sensei est habituellement traduit comme étant un excellent professeur. Un mot similaire dans les arts martiaux est le titre Soke, qui est donné par respect pour la personne, c'est-à-dire le maître qui est le fondateur d'un style martial particulier.

La signification du titre de sensei a été mieux décrite par un artiste martial japonais Shigeru Egami (1912-1981) dans son célèbre dicton : -"Tous les Sensei ne sont pas maîtres et tous les maîtres ne sont pas Sensei". Maître Egami était un maître célèbre du style Shotokan et le pionnier du style Shotokai. Ce dicton est devenu plus connu et populaire lorsqu'il a été cité dans le livre "The Book of Ki", du célèbre maître japonais des arts martiaux (jujutsu, judo, aïkido) Koichi Tohei (1920-2011).

De nos jours, beaucoup se prétendent sensei.
Par abus de langage ou par ignorance, certains sont appelés ainsi par d'autres.
Le titre sensei requiert le travail dur et long du maître, une bonne connaissance des arts martiaux, ainsi qu'une certaine manière correcte de transférer son expérience de vie à ses disciples. En aucun cas le titre sensei est acquis avec le classement Dan.
Tout ceux qui utilisent ce titre devraient savoir que le vrai sensei ne cherche ni ne recrute ses étudiants. Ce sont les élèves qui doivent chercher et trouver leur maître !

 En plus, lorsque le connaisseur des arts martiaux entre dans une salle (dojo) dans laquelle les arts martiaux en occident sont pratiqués, il s'inspire d'honneur et de respect au sensei (sifu) ainsi qu'à l’art martial. Un tel titre dans les arts martiaux est mieux connu sous le titre japonais - sensei ni rei (saluant à l'enseignant)

Parfois, dans une même salle (dojo), il y a plusieurs maîtres distingués venant d’arts martiaux ou styles différents, s’exerçant ensemble, néanmoins seulement l’un d'entre eux est sensei. Ce dernier mène alors son exercice et assume le rôle de leader de sorte que tous les autres artistes martiaux (quel que soit leur niveau de maîtrise) doivent l'écouter et le respecter.

Nous pouvons conclure que pour traduire le nom de ces titres, le mot enseignant est trop simplifié et incomplet.Les traductions exactes sont :
Sensei : le leader ou la personne qui nous guide parce qu'il a beaucoup d'expérience de vie, Sifu ou Shifu : un vieux sage avec une connaissance et une expérience étendues qui nous enseigne comme un père, Sonseangnim : un maître général, un chef de guerre, Guru : la personne qui nous guide sur le chemin spirituel.
Aujourd'hui, de nombreux arts martiaux appliquent le nom et le titre entraîneur ou instructeur ; le titre Maître ou Grand Maître est souvent utilisé aussi.
Certains utilisent même deux titres, tels que sifu shi ou Maître Sensei, bien qu'il n'y ait pas de vraies raisons pour cela.
Ce serait le même cas avec une personne qui a obtenu différents degrés dans des styles martiaux différents. Lorsqu'il se présente, il donne le rang le plus élevé (par exemple, une personne qui a gagné le titre 3ème dan du judo, 4ème dan aikido et 5ème dan karaté, se présente comme maître du 5ème dan).

Certains praticiens pensent qu'ils deviendront automatiquement sensibles lorsqu'ils obtiendront un grade de base, comme le 3ème dan, mais ce n'est pas le cas. D’autre part, il existe de nombreux entraîneurs (ou instructeurs) qui ont la caractéristique d'un bon sensei, et à l’inverse, il y a les maîtres qui se présentent comme sensei, mais ils n'ont pas les qualités nécessaires de ce titre aussi vaste et exigeant.

Il est intéressant de noter que dans les arts de l'aïkido et du jiujitsu, le titre sensei est placé après le nom du maître, tandis que dans le karaté, le judo, le ninjutsu…, il est placé avant le nom du Maître, ce qui est conforme aux règles d'écriture anciennes. En outre, dans certains arts martiaux comme Muay thai ou le jiujitsu brésilien, le titre du maître n’est pas utilisé, même si ces compétences ont émergé sur la base de compétences qui utilisent les titres tels que shifu et sensei.

Certains maîtres considèrent que les titres Sensei, Sifu ou Shifu, Sonseangnim ou Guru devrait être utilisé pour une personne qui est un gardien et admirateur des compétences martiales traditionnelles.

David Stainko 12 novembre 2023

Sifu magazine


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